23. mai, 2016

Dimanche 22 mai

Ce matin, un temps superbe. Déjà seize degrés au réveil.

Nous nous préparons doucement, après tout c’est dimanche et nous pouvons prendre notre temps.

Cet après-midi, nous avons rendez-vous avec Mariève et Francis pour nous rendre à Saint Eustache où des festivités sont organisées à l’occasion de la fête des patriotes.

Sans vous faire un cours d’histoire, je vais tenter de vous expliquer pourquoi la fête des patriotes.

La rébellion des Patriotes de 1837-1838 fut l’aboutissement d’un conflit politique larvé existant depuis le début du 19ème siècle entre la population civile et l’occupant militaire colonial.

Au cours du printemps et de l’été 1837, les chefs réformistes dont le principal Louis-Joseph Papineau, chef du Parti des Patriote, tirèrent parti des tensions politiques de longue date pour mettre sur pied une large force rebelle. La situation était si tendue qu’en octobre 1937, les troupes britanniques régulières furent déplacées du Haut Canada vers le Bas Canada (actuellement le Québec). Les troupes rebelles ne firent pas le poids devant l’importante force militaire coloniale à laquelle se joignirent de nombreux miliciens orangistes loyaux en provenance du Haut-Canada.

Les Patriotes rebelles ayant à leur tête Jean-Olivier CHENIER firent face aux troupes et aux milices loyalistes à Saint-Denis, Saint-Charles et à Saint-Eustache. La loi martiale fut déclarée et de nombreux rebelles, dont Louis-Joseph Papineau durent s’enfuir aux Etats-Unis. Des centaines d’autres furent arrêtés et déportés en Australie et plusieurs autres furent pendus à la prison du Pied-du-Courant à Montréal.

A Saint-Eustache, connue comme étant un foyer du ressentiment contre l’absolutisme britannique, la bataille qui dura plus de quatre heures s’est produite le 14 décembre 1837. Elle se termina par la défaite des Patriotes retranchés dans l’église du village et eut comme bilan 70 morts chez les rebelles dont Jean-Olivier Chénier leur Chef,  une quinzaine de blessés et 120 prisonniers. Les Britannique eurent à déplorer un mort et huit blessés dont deux décèderont plus tard. A l’issue de la bataille, les troupes, mais surtout les volontaires loyalistes brulèrent 65 des 150 maisons du village et se livrèrent au pillage.

Depuis le 19 mai 2003, le Québec  célèbre la Journée nationale des Patriotes le lundi précédant le 25 mai.

Voilà pourquoi aujourd’hui nous avions décidé de nous rendre à Saint-Eustache.

Francis et Mariève sont prêts, nous partons donc vers quatorze heures. Une vingtaine de minutes plus tard, nous sommes arrivés.

Pour commencer, nous nous rendons à l’église de Saint-Eustache qui fut le lieu où se réfugièrent les Patriotes lors de l’attaque des troupes britanniques en 1837.

Cette église fut bâtie en 1768 selon un plan en forme de croix latine ; le chœur forme la tête de la croix, la façade forme quant à elle son extrémité et enfin les deux petits transepts sur les côtés représentent les bras de la croix.

En 1831, à l’initiative du curé Jacques Paquin, il fut procédé à des travaux d’agrandissement. La façade est démolie et reconstruite plus loin du chœur. Cette modification permis l’ajout de 250 places. La nouvelle façade terminée en  1833 est toujours debout. Elle comporte deux clochers ainsi que deux registres d’ordre classique.

Le 14 décembre 1837, l’église fut ravagée par un violent incendie déclenché par les troupes britanniques afin d’en expulser les Patriotes y ayant trouvé refuge. Seule la structure en pierre résista aux flammes. La reconstruction s’étalera sur plusieurs années et se terminera en 1941. On peut encore voir sur la façade, les traces du bombardement subi par l’église pendant plusieurs heures durant la bataille de Saint-Eustache.

En 1905, la voûte de l’église fut élargie. L’église perdit  alors son plan en forme de croix latine.

Rénovée en 1930, l’église fut classée monument historique en 1970 par le gouvernement du Québec.

Après cette visite, nous remontons la rue Saint Eustache.  Plusieurs fresques ornent les façades des habitations. Celle de l’Auberge Mitchell qui fut occupée par les Patriotes. Puis la fresque en hommage aux Patriotes située en un lieu hautement historique puisqu’à l’époque insurrectionnelle, le site était occupé par une auberge, le Black Bull. Cette auberge fut transformée en hôpital de fortune pour soigner les blessés de la bataille du 14 septembre 1837. Une autre fresque représente le magasin général E. LAHAIE. Une autre encore intitulée « la fresque des seigneurs » nous montre l’octroi d’un lopin de terre  à un colon.

Nous arrivons au Manoir Globensky. Actuellement musée du patrimoine, cette grande bâtisse d’architecture coloniale d’inspiration américaine fut construite pour Charles Auguste Maximilien Globensky d’origine polonaise.

Dans les jardins du Manoir une exposition de peinture. Soixante-quinze exposants de tout style et de toute tendance. Des peintures magnifiques. Des artistes attentifs à votre regard qui vous saluent et n’hésitent pas à répondre à vos questions et vous donner toutes les explications  sur leur art.

A l’intérieur du Manoir, une exposition sur la gravure. Pour la fête des Patriotes, la visite est gratuite. Nous en profitons donc. Par ailleurs, il nous est proposé une visite commentée du cimetière de Saint Eustache. Nous nous inscrivons pour cette visite.

Quinze heures trente, notre guide arrive. Jeune fille sympathique qui va nous raconter l’histoire de Saint-Eustache au travers de ses défunts. Un cours d’histoire vivant (c’est un paradoxe dans un cimetière). Pour Jean-Pierre et moi, c’est une découverte d’une partie de l’histoire du Québec, pour Mariève ce sera une mise au point sur certains points d’histoire. Pour tous, un enchantement de par le professionnalisme de notre guide et de l’attractivité qu’elle provoque, mais également par le lieu qui est magnifique. Comme tout au Québec, ce cimetière est immense, plus de 2000 concessions.

Nous apprenons que ce cimetière situé sur l’ancienne propriété du docteur Jean-Olivier Chénier est le second cimetière aménagé dans la municipalité. Le premier se trouve maintenant sous le parking de la mairie à côté de l’église.

Une épidémie de choléra en 1832 aurait forcé le curé Jacques Paquin à trouver un terrain plus loin et plus vaste pour faire de la place aux dépouilles de plus en plus nombreuses suite à cette maladie mortelle. Un terrain est envisagé, situé complètement à l’extérieur de la ville. Mais les habitants s’opposent à ce transfert de lieu.

Ne comptez pas trouver les pierres tombales de patriotes de Saint-Eustache elles ne se trouvent pas dans le nouveau cimetière, ni à Montréal au cimetière de Notre Dame des Neiges où il a été consacré un espace aux patriotes s’étant soulevés contre l’armée britannique.

Les dépouilles des Patriotes de Saint Eustache se trouvent dans le cimetière non béni. Petit bout de terrain sur la droite de l’église. Il s’agit en fait d’une fosse commune. Une plaque commémorative a été posée à leur intention. Cet espace a été bénit en 1996 seulement par Mgr Charles Valois.

C’est en 1866 que les morts furent enterrés sur le terrain du docteur Chénier, cimetière actuel.

A la fin de la visite, un petit pont de bois nous permit d’accéder au moulin Légaré. Ce moulin à eau datant de 1762 demeure  le  plus vieux moulin de ce type qui n’a jamais cessé de fonctionner dans toute l’Amérique du Nord. Il est également la plus vieille industrie toujours en activité au Canada. Actuellement ce moulin sort entre trente et quarante tonnes de farine traditionnelle de blé et de sarrasin par an.

En 1880, le propriétaire du moulin, M. Globensky réalisa des travaux importants de modernisation notamment en remplaçant la roue à godet par deux turbines en fonte plus puissantes. Il fit également installer un nettoyeur à  grains mécanique. Ces mécanismes qui augmentèrent la production du moulin, sont encore fonctionnels aujourd’hui.

En 1976 le moulin Légaré est classé monument historique par le gouvernement du Québec. La ville de Saint Eustache en devient propriétaire en 1978 et en confie la gestion à la Corporation du moulin Légaré, organisme à but non lucratif créé deux ans auparavant.

Notre visite s’acheva par une pause bien méritée dans un bar « Noire et Blanche ». Place agréable au bord de l’eau où s’offre aux amateurs un nombre impressionnant de bières différentes et de qualité.

Ce fut une journée riche en culture, chaude et fort sympathique au cours de laquelle nous aurions parcouru d'après Mariève et son équipement de haute technologie un peu plus de 3 miles (1miles équivalent à 1.5 km à peu près)